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STAARP Tandem
Avec la staarp on voit la vie en rose !

Notre délégation Staarp - -Section Tandem des Auxiliaires des Aveugles de la Région Parisienne est dédiée à promouvoir la pratique du vélo tandem en région Parisienne et à créer une communauté de personnes partageant cette passion. Nous organisons régulièrement des sorties, des événements et des séjours pour permettre à tous les membres de se divertir et de progresser.

Bernard Amiot
Article mis en ligne le 10 juillet 2019
dernière modification le 9 avril 2024

Souvenir Bernard AMIOT

Bernard était un pilier dans l’association STAARP,
texte d’un article d’un site web pour mieux le connaître.

2015/08/05

photo Bernard Amiot
staarp

Bernard Amiot

28 septembre 1930 – 5 août 2015

Bernard, c’était une allure et une voilure ! Pour parler avec lui, il valait mieux un environnement silencieux tant ses oreilles avaient souffert dans les forges des usines Citroën de Clichy. Sa carcasse d’athlète avait résisté à bien des combats et des accidents. Le « Jésus de Citroën », comme l’avait surnommé Stan Rougier, son copain de séminaire, était entré en conflit avec les puissances d’argent et les tentations qui brillent dans les groupes d’intérêts financiers et industriels. « Par rapport aux idoles qui traînent dans le monde, je n’ai rien de mieux que ma foi en Jésus-Christ. Et avoir misé ma vie sur l’amour, c’est quand même réussi ! »

Benjamin d’une famille de cinq, Bernard a grandi à l’ombre de la cathédrale de Chartres où il a été baptisé et confirmé. Louveteau, scout et routier, il accomplit le parcours scout complet. Attiré par des études en mécanique, il se décide pour l’ICAM, l’Institut des Arts et Métiers de Lille. Là, il fréquente les dominicains d’Hellemmes liés aux au mouvement des prêtres-ouvriers. Lors d’un premier emploi d’ingénieur dans le Nord, il fait connaissance avec Bernard Tiberghien, prêtre-ouvrier en filature. La Mission de France l’attire, mais le séminaire a déménagé à Limoges en 1953 et ne peut l’accueillir. Il patiente une année à Issy-les-Moulineaux. Fraîchement érigé par Rome, Pontigny ouvre ses portes en 1954 où il retrouve Albert Matis, François Legay et Stan Rougier et quelques autres. Pontigny est une ruche où l’on cultive le potager, tue le cochon, où l’on s’échine à toute activité manuelle afin de communier au bruit des ateliers. L’avenir est au ministère PO même si l’ouvriérisme n’est pas loin, reconnaît Bernard. Le 29 mai 1960, ils sont huit avec Bernard à être ordonné prêtres dans l’abbatiale, dont Manu Dalloz, Roland Vico, Henri Pousset, Yves Orvain.

La reprise des prêtres-ouvriers étant reportée aux lointains, Bernard Boudouresques démarche Bernard Amiot pour l’équipe scientifique. Celui-ci préféra un envoi de vicaire en paroisse ouvrière. Il est nommé à Saint Jean-des-Grésillons, à Gennevilliers, commune qu’il ne quittera plus. Un esprit missionnaire règne dans la boucle de la Seine sous l’impulsion de Jacques Le Cordier, futur évêque de la Seine Saint-Denis. Et Bernard est dans la boucle, avec Gilles Ruffenach, André Cherrier, René Santraine et Michel Guillot. Il trouve embauche à temps partiel dans le chromage, puis chez Avia, au port. A la reprise des PO, le Cardinal Feltin incite des prêtres à s’embaucher dans de grandes entreprises.

En 1966, il passe entre les mailles des enquêtes minutieuses du service du personnel de Citroën, et entre dans l’enfer des marteaux pilons des ateliers de Clichy en qualité d’estampeur de culbuteurs et de vilebrequins. Sur fond de surveillance antisyndicale, il subit la condition commune des nuisances, des cadences et de la chaleur intense. « A tort ou à raison, le chef vocifère. Pour mettre le travailleur au rythme infernal, on le place près d’un autre qui va plus vite ». Il partage le travail épuisant d’ouvriers d’une quinzaine de nationalités, arrivés par vagues successives : espagnols, portugais, maghrébins, yougoslaves, turcs,.. recrutés dans leur pays par des ramasseurs d’une main-d’œuvre pas chère et qui peut rapporter gros. Syndiqué à la CGT depuis 1968, il subit les brimades commandées par une direction qui a mis sur pied un syndicat maison faisant souvent office de délateur. Il assurera divers types de responsabilité dans sa vie de militant, mais sa préférence va à celle de délégué du personnel, car il veut rester à tout prix à la base avec les travailleurs immigrés.

« Même si parfois j’ai eu peur, j’ai eu la chance que mon corps et mon esprit résistent aux cadences. Tout homme peut être acheté : une promotion, une formation, un « essai » pour monter d’échelon. Toutes choses qui sont normales dans une carrière sont ici manipulées et apparaissent comme un chantage, une faveur. Comment ne pas mépriser le mouchard qui « vend » son frère pour s’assurer un avancement ? J’ai vécu aux frontières de la haine : la CGT m’a réappris à ne pas haïr les personnes, mais les puissances d’argent ».

En 1970, provoqué par le « septembre noir » (l’offensive sanglante du roi Hussein de Jordanie contre les commandos de réfugiés palestiniens) Bernard participe aux manifestations pro-palestiniennes et s’engage dans l’Association médicale France-Palestine.

Pour éviter la préretraite, Bernard acceptera en 1986 d’aller dans les Ardennes dans un atelier de réparation de chariots élévateurs. Toujours délégué du personnel, il loge au foyer avec les ouvriers étrangers célibataires. C’est à Charleville que débute son activité dans un club de vélo et tandem jumelé avec la Croisade des aveugles. Les aveugles aiment rester dans la course et voyager. Ses copains « cyclos » l’ont provoqué à devenir pilote de tandem non voyant. « C’est le non voyant qui m’a lancé. Lui ne doutait pas. Et je sais qu’en roulant, il devient « voyant », d’autant plus qu’il entend et que je suis un peu sourd ». Il équipe et répare les machines de son club basé à Montreuil. Il vit de belles histoires de « couple », avec qui il sillonnera l’hexagone en long et en large. Plus de dix mille kilomètres par an, au prix de joyeuses sueurs et de quelques fémurs brisés.

Fidèle à la Mission de France et au collectif des prêtres-ouvriers, Bernard est toujours resté dans l’équipe PO de Gennevilliers, où la vie de prière est intense et l’eucharistie quasi-quotidienne. En 1975, l’équipe emménage au fameux 115 avenue des Grésillons, avec Bernard Legrand notamment. D’autres comme Jean Toussaint ou Bruno Lery y habiteront un temps.

Chaque année, le Service Jeunes fêtait « Noël dans le métro », allant au contact des usagers destransports. Et chaque année, tant que sa santé le lui permettait, Bernard était là, dans un coin de la station, participant par le sourire et goûtant une joie véritable à l’entrain que donnaient les jeunes à ce lieu habituellement sans âme. Comme s’il venait puiser à l’énergie de la jeunesse cette joie qui lui permettait de croire encore et toujours que ce monde pouvait être meilleur. Il observait tout et prenait plaisir, réellement, à la joie qui émanait de ce moment fugace.

Souvenir Bernard AMIOT

Bernard était un pilier dans l’association STAARP,
texte d’un article d’un site web pour mieux le connaître.

2015/08/05

Bernard Amiot

28 septembre 1930 – 5 août 2015

Bernard, c’était une allure et une voilure ! Pour parler avec lui, il valait mieux un environnement silencieux tant ses oreilles avaient souffert dans les forges des usines Citroën de Clichy. Sa carcasse d’athlète avait résisté à bien des combats et des accidents. Le « Jésus de Citroën », comme l’avait surnommé Stan Rougier, son copain de séminaire, était entré en conflit avec les puissances d’argent et les tentations qui brillent dans les groupes d’intérêts financiers et industriels. « Par rapport aux idoles qui traînent dans le monde, je n’ai rien de mieux que ma foi en Jésus-Christ. Et avoir misé ma vie sur l’amour, c’est quand même réussi ! »

Benjamin d’une famille de cinq, Bernard a grandi à l’ombre de la cathédrale de Chartres où il a été baptisé et confirmé. Louveteau, scout et routier, il accomplit le parcours scout complet. Attiré par des études en mécanique, il se décide pour l’ICAM, l’Institut des Arts et Métiers de Lille. Là, il fréquente les dominicains d’Hellemmes liés aux au mouvement des prêtres-ouvriers. Lors d’un premier emploi d’ingénieur dans le Nord, il fait connaissance avec Bernard Tiberghien, prêtre-ouvrier en filature. La Mission de France l’attire, mais le séminaire a déménagé à Limoges en 1953 et ne peut l’accueillir. Il patiente une année à Issy-les-Moulineaux. Fraîchement érigé par Rome, Pontigny ouvre ses portes en 1954 où il retrouve Albert Matis, François Legay et Stan Rougier et quelques autres. Pontigny est une ruche où l’on cultive le potager, tue le cochon, où l’on s’échine à toute activité manuelle afin de communier au bruit des ateliers. L’avenir est au ministère PO même si l’ouvriérisme n’est pas loin, reconnaît Bernard. Le 29 mai 1960, ils sont huit avec Bernard à être ordonné prêtres dans l’abbatiale, dont Manu Dalloz, Roland Vico, Henri Pousset, Yves Orvain.

La reprise des prêtres-ouvriers étant reportée aux lointains, Bernard Boudouresques démarche Bernard Amiot pour l’équipe scientifique. Celui-ci préféra un envoi de vicaire en paroisse ouvrière. Il est nommé à Saint Jean-des-Grésillons, à Gennevilliers, commune qu’il ne quittera plus. Un esprit missionnaire règne dans la boucle de la Seine sous l’impulsion de Jacques Le Cordier, futur évêque de la Seine Saint-Denis. Et Bernard est dans la boucle, avec Gilles Ruffenach, André Cherrier, René Santraine et Michel Guillot. Il trouve embauche à temps partiel dans le chromage, puis chez Avia, au port. A la reprise des PO, le Cardinal Feltin incite des prêtres à s’embaucher dans de grandes entreprises.

En 1966, il passe entre les mailles des enquêtes minutieuses du service du personnel de Citroën, et entre dans l’enfer des marteaux pilons des ateliers de Clichy en qualité d’estampeur de culbuteurs et de vilebrequins. Sur fond de surveillance antisyndicale, il subit la condition commune des nuisances, des cadences et de la chaleur intense. « A tort ou à raison, le chef vocifère. Pour mettre le travailleur au rythme infernal, on le place près d’un autre qui va plus vite ». Il partage le travail épuisant d’ouvriers d’une quinzaine de nationalités, arrivés par vagues successives : espagnols, portugais, maghrébins, yougoslaves, turcs,.. recrutés dans leur pays par des ramasseurs d’une main-d’œuvre pas chère et qui peut rapporter gros. Syndiqué à la CGT depuis 1968, il subit les brimades commandées par une direction qui a mis sur pied un syndicat maison faisant souvent office de délateur. Il assurera divers types de responsabilité dans sa vie de militant, mais sa préférence va à celle de délégué du personnel, car il veut rester à tout prix à la base avec les travailleurs immigrés.

« Même si parfois j’ai eu peur, j’ai eu la chance que mon corps et mon esprit résistent aux cadences. Tout homme peut être acheté : une promotion, une formation, un « essai » pour monter d’échelon. Toutes choses qui sont normales dans une carrière sont ici manipulées et apparaissent comme un chantage, une faveur. Comment ne pas mépriser le mouchard qui « vend » son frère pour s’assurer un avancement ? J’ai vécu aux frontières de la haine : la CGT m’a réappris à ne pas haïr les personnes, mais les puissances d’argent ».

En 1970, provoqué par le « septembre noir » (l’offensive sanglante du roi Hussein de Jordanie contre les commandos de réfugiés palestiniens) Bernard participe aux manifestations pro-palestiniennes et s’engage dans l’Association médicale France-Palestine.

Pour éviter la préretraite, Bernard acceptera en 1986 d’aller dans les Ardennes dans un atelier de réparation de chariots élévateurs. Toujours délégué du personnel, il loge au foyer avec les ouvriers étrangers célibataires. C’est à Charleville que débute son activité dans un club de vélo et tandem jumelé avec la Croisade des aveugles. Les aveugles aiment rester dans la course et voyager. Ses copains « cyclos » l’ont provoqué à devenir pilote de tandem non voyant. « C’est le non voyant qui m’a lancé. Lui ne doutait pas. Et je sais qu’en roulant, il devient « voyant », d’autant plus qu’il entend et que je suis un peu sourd ». Il équipe et répare les machines de son club basé à Montreuil. Il vit de belles histoires de « couple », avec qui il sillonnera l’hexagone en long et en large. Plus de dix mille kilomètres par an, au prix de joyeuses sueurs et de quelques fémurs brisés.

Fidèle à la Mission de France et au collectif des prêtres-ouvriers, Bernard est toujours resté dans l’équipe PO de Gennevilliers, où la vie de prière est intense et l’eucharistie quasi-quotidienne. En 1975, l’équipe emménage au fameux 115 avenue des Grésillons, avec Bernard Legrand notamment. D’autres comme Jean Toussaint ou Bruno Lery y habiteront un temps.

Chaque année, le Service Jeunes fêtait « Noël dans le métro », allant au contact des usagers destransports. Et chaque année, tant que sa santé le lui permettait, Bernard était là, dans un coin de la station, participant par le sourire et goûtant une joie véritable à l’entrain que donnaient les jeunes à ce lieu habituellement sans âme. Comme s’il venait puiser à l’énergie de la jeunesse cette joie qui lui permettait de croire encore et toujours que ce monde pouvait être meilleur. Il observait tout et prenait plaisir, réellement, à la joie qui émanait de ce moment fugace.

« Au-delà du matérialisme marxiste, je suis questionné par un conflit de la foi avec la science, la philo et le travail. Si l’homme qui vit, cherche, aime, se gouverne sans référence à la foi, est-ce là un matérialisme ? N’est-ce pas une provocation à mieux situer le rapport de l’homme à Dieu ? Nous sommes renvoyés au fondement de l’incarnation rédemptrice de Jésus qui traverse toute l’histoire du christianisme et de l’humanité. En face des puissances matérielles de l’argent, l’Eglise n’en finira pas d’être mobilisée. Au fond, je sens plus d’ouverture dans l’espérance que dans la foi. La dure réalité à laquelle s’affrontent les pauvres a été acceptée par un Dieu créant l’homme libre et responsable, capable d’amour et d’exploitation. Quand j’entends les camarades me dire et redire : « Où est-il ton Dieu ? », je me retrouve provoqué à plus de foi en l’homme pour retrouver la foi en Dieu. Je préfère les « clins Dieu » aux paroles ».

De la résidence Camille Cartier, foyer logement de Gennevilliers, Bernard poursuivra bien des activités. Avec l’association d’histoire sociale et de solidarité Citroën, il participe à l’écriture du livre « Citroën par ceux qui l’ont fait » publié en 2013, ce qui lui tenait très à cœur. Au printemps dernier, un AVC le priva de la parole et de toute autonomie. Seuls les « clins Dieu » nous permirent de communiquer.

« Ai-je annoncé clairement Jésus-Christ ? Individuellement, non ! C’est quand les gars rencontrent plusieurs chrétiens soucieux de la dignité de l’homme qu’il se passe quelque chose. La somme de ces petits bouts de signes peut faire un message cohérent et subversif qui se rapproche de ce que serait mon Magnificat. Autrement dit, l’annonce a lieu en Eglise ».

L’équipe épiscopale

Bernard Amiot a donné son corps à la science.

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